"EdenCentral" : Ne dites jamais que le théâtre est un truc élitiste si vous n’avez encore rien vu de Manah Depauw

Publié le par LE VIVAT

Au Kunsten, les créations s’enchaînent sans se ressembler. Fantaisies débridées de Manah Depauw ou René Pollesch.Si rien ne rassemble vraiment l’ "Eden Central" de Manah Depauw et le solo au titre interminable signé René Pollesch, ces deux pièces semblent affirmer en chœur le théâtre comme lieu de tous les possibles. La jeune créatrice belge s’en est allée explorer des mondes d’"avant le commencement", là où "l’œuf primitif" donna naissance non pas à la poule mais à une "gigantesque omelette en expansion".

 MayaWilsens 6072 final

Big bang théorie qui en vaut d’autres, et qui ici pose les bases d’un paradis non pas perdu mais décidément méconnu. On y pénètre donc, pour se retrouver en présence d’êtres simiesques qui, au fil du temps, vont évoluer. Loin de nous refaire l’histoire du darwinisme, Manah Depauw tente un regard de biais sur l’histoire de l’humanité qui expliquerait notre présent, nos âmes sensibles, nos individualismes forcenés, nos espoirs et nos impasses. C’est surtout sur nos peurs ancestrales qu’elle s’est penchée, les sondant à la lumière - comme une frêle lampe de poche dans une forêt obscure - des mythologies anciennes mais aussi des coutumes folkloriques qui, de façon récurrente, inversent dans une parenthèse carnavalesque les rapports sociaux.
En résulte une pièce d’apparence fantasque, voire foutraque, volontairement transgressive - et souvent hilarante d’ailleurs -, mais extrêmement maîtrisée. "Eden Central" pour autant ne donne pas de leçons, sinon d’autodérision, mais soulève, sous ses dehors chaotiques, de pertinentes questions. M.Ba./ La libre Belgique

MayaWilsens 5945 finalMayaWilsens 5993 final

----------- 

Ne dites jamais que le théâtre est un truc élitiste si vous n’avez encore rien vu de Manah Depauw. La Bruxelloise a un faible pour l’herbe en plastique d’un vert vif, les poupées de bébé à l’air ingénu qui ont perdu une jambe, les longs cheveux en bataille, les peluches sexuellement obsédées, la bande-son d’Hollywood, et de préférence tout cela en même temps.
Son œuvre est un magasin de jouets plein à craquer, sur lequel s’est précipité un psychopathe. C’est autant gracieux que venimeusement burlesque, autant cosmique que misérable, mais toujours avec un tape-à-l’œil forcé. L’on entend ce que l’on voit, l’on obtient ce que l’on voit arriver : l’humour du double.
Ajoutez à cela que Depauw raffole des contes. Pour Eden Central, une assez grande création pour le Kunstenfestivaldesarts, elle a abondamment déliré sur la création de l’homme. Ainsi, le spectacle débute par une voix off filmique aussi, au-dessus d’une rocaille style paradis en matière synthétique qui fait toc. ‘Qu’y avait-il pour Adam et Eve ?’

Quatre singes sont en train d’escalader le petit podium sous-éclairé, un air câlin comme on le voit à la kermesse. Ils se dépiautent les uns les autres, jouent avec de petits palmiers en plastique, en font des massues et s’empoignent quasi à leur propre étonnement.
Ce qui est comique, ce n’est pas tellement leur comportement, mais qu’ils soient habillés à ce point comme des enfants. Sommes-nous dans une fausse série télévisée pour les petits enfants ? La Genèse comme sketch d’animaux ?
Comme toujours chez Depauw, cette petite communauté devient bien vite une fête de carnaval d’érotisme.

MW1 5967 edit MW1 5995 edit

Le singe découvre l’être humain sexué en lui-même, et cet être humain, son côté divin. La religion, ici une ronde chamanistique autour d’une poupée géante écrasante, n’est que de la lubricité masquée. Depauw en recherche les racines.
L’on ne va cependant pas bien loin dans ces pensées assez profondes. À la différence de son prédécesseur Johnson & Johnson, un conte intelligent sur l’ambiguïté du mal, Eden Central trouve tout de même avant tout son plaisir dans le façonnage ludique de la propre fantaisie sans égal de Depauw.
De la fumée, de la musique d’opéra, une machine à neige, des costumes en lambeaux tape-à-l’œil : la machinerie de théâtre tout entière prime sur les idées, le rêve l’emporte sur le récit. Des hommes préhistoriques deviennent des hippies dans un camping, ces hippies deviennent à leur tour une peuplade exotique sous la coupe de missionnaires armés de fouets. Et soudain le rêve est passé, fini, patatras !
Mais quel fantastique langage théâtral Manah Depauw a développé en dix ans ! Vous ne savez pas où regarder d’abord, en haussant les sourcils. Eden Central fait ainsi tellement rejaillir ses couleurs vives que ce théâtre allèche sans difficulté chacun d’entre nous.

Wouter Hillaert / De standaard

 

Réservez votre place pour "EdenCentral" sur la billetterie en ligne du Vivat

Publié dans Spectacles

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article